Le principe de précaution a émergé en droit international afin de favoriser une action des Etats en vue de protéger l’environnement, même en l’absence de certitude sur l’existence de risques graves et irréparables. Il a été assez rapidement appliqué dans les domaines où les avancées scientifiques et technologiques rendent les risques difficiles à établir et a été élargi afin de protéger d’autres intérêts majeurs tels que la santé humaine et animale.
Il s’agit donc de permettre les évolutions tout en adoptant des mesures de sauvegarde d’intérêts potentiellement menacés. Ce principe a largement essaimé en dehors du droit international pour s’intégrer aux droits nationaux (il a notamment été constitutionnalisé en France) ou encore aux droits régionaux comme le droit de l’Union européenne et dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
Ce faisant, il a revêtu des formes juridiques très diverses qui rendent complexe l’identification d’une unité conceptuelle autour d’un « principe ». Malgré cela, généralement la précaution présente deux caractéristiques minimales : l’incertitude du risque et le caractère révisable des mesures à adopter pour y faire face.
On remarque ainsi de plus en plus une tendance à se référer à la précaution afin d’anticiper des risques potentiels en dehors de ses domaines classiques, voire à élaborer des régimes juridiques en en faisant une application, sans d’ailleurs nécessairement s’y référer explicitement. De plus, les conceptions de la précaution varient en fonction des différentes cultures juridiques : les mécanismes d’anticipation sont par exemple plus naturels dans les systèmes de droit civil que dans ceux de common law. Mais même dans un seul et même pays, le principe de précaution peut susciter des mises en œuvre multiples. Il en résulte une véritable gouvernance de la précaution ainsi qu’une fragmentation de ses « approches » qui commencent cependant à produire des effets importants dans différents régimes juridiques, notamment en raison de la jurisprudence des juges européens ou internationaux, voire de la constitutionnalisation du principe de précaution.
Logique, approche, principe, standard, culture......de précaution coïncident toujours avec l’anticipation de risques indéterminés. Ils répondent à une exigence de gestion du risque au moyen du traitement juridique de l’incertitude.
Il s’agit ici de mettre à jour, par des regards croisés, les dynamiques de la précaution (quelles formes revêt-elle ? sur qui pèse un devoir de précaution ? quels mécanismes doivent-ils lui être associés afin qu’elle soit efficace ?), afin de comprendre les évolutions actuelles des systèmes juridiques qui a priori se poursuivront du fait de la multiplication des activités présentant des risques non avérés.